Christine Ferrer a d'abord travaillé dans la mode, comme modèle. « Cette expérience m'a donné une idée du vêtement, de ce qu'il a conçu, de ce qu'il représente, le corps et l'idée du corps. De ce qu'est la représentation », dit-elle. Puis elle a travaillé dans la presse, et pour la télévision. Sa relation au corps, déterminante dans son œuvre, passe par une longue pratique de la danse, mais aussi par la proximité d'une mère souffrante, privée de mouvement.
La création plastique est un lieu à elle au fil des jours et des années, par échange de courrier, de messages personnels, avec pour point de départ le matériau usuel de la Poste, cartes postales, enveloppes, timbres, tampons, ficelles… Sont venus s'y intégrer les menus objets en relation avec la typographie qu'elle collectionne depuis longtemps, caractères d'imprimerie, alphabets, lettres peintes, gravées, cousues, mêlant la quête du sens à l'amour des mots-matière. Peu à peu, l'esquisse d'une œuvre a fait corps avec le message, tissant dans un aller-retour de courriers la genèse d'une plasticienne.
Depuis Goult, village du Luberon où elle s'est installée en quittant Paris, elle a continué dans la voie du mail art et a commencé à exposer. L'intuition est devenue affirmation, construction de soi. «Tout ce que j'ai fait avant était comme un puzzle, et un jour j'ai tout réuni», dit-elle. Le soir de ses 50 ans, à l'atelier du Lavoir à Goult, elle inaugure «Que peut le corps? », Exposition fondatrice, entre installation et art postal. Pour la première fois, elle s'ouvre à une multiplicité de techniques, mêlant avec une liberté nouvelle la sculpture, le dessin, la vidéo, la lumière, les objets récupérés, réinventés, et toujours les mots. «J'explore tous les matériaux. Je n'ai aucune formation, tout ce que je fais naît de rencontres », dit-elle. Sur cette lancée suivront à partir de 2010 une série d’expositions individuelles ou collectives, en Provence ou à La Pedrera en Uruguay devenu son deuxième port d’attache.
En avril 2013, invitée comme artiste résidente par la Lustrerie Mathieu à Gargas, elle crée la «Robe LM», tout en éclats de cristal de roche brisé, exposée en octobre 2013 au Mathieu MVSEVM. A la fois onirique et tragique, cette apparition entre en résonance avec la collection de lustres anciens du fondateur des lieux, Régis Mathieu.
L'exposition Sur le fil au centre d'art Campredon à l'Isle sur la Sorgue (février-juin 2015) marque une étape décisive dans ce parcours d'artiste, où se retrouvent toutes les dimensions de son travail. Viennent ensuite Corps traversés, à la Chapelle Saint-Louis d'Avignon (juillet 2017); Vous êtes ici, au Château de la Tour d'Aigues (juin-août 2018); Cheveux chéris et adorés, l'Hôtel d'Agar de Cavaillon, (décembre 2018-février 2019). Parallèlement, Christine Ferrer ouvre une voie nouvelle dans l'exploration de ses thèmes favoris, intégrant dans ses œuvres des pampilles, comme des larmes de verre. Faisant sien cet élément nouveau, elle ouvre une voie qui devient trilogie: Le corps de larmes, survolant sur les eaux chez Poppy Salinger à La Bastide Rose, au Thor (été 2017); La Croix de larmes, CONSOLATION, à la chapelle Saint-Charles d'Avignon en juillet 2021 viendra clore cette trilogie, alors que VALLÉE CLOSE lui fera écho au Musée Pétrarque de Fontaine de Vaucluse dès mai 2021. Un temps charnière pour la plasticienne qui vient de quitter sa maison- atelier de Goult. Elle tisse désormais son œuvre à Ménerbes, dans un nouveau lieu à investir, promesse de renouvellement.
Carina Istre
SUR LE FIL
La main fileuse tire étire le trait tisse la trace d’un geste fluide linéaire et sans poids. Surgit de son fuseau un espace sans lieu où viennent s’asseoir et deviser quelques hôtes impalpables. C’est un bal silencieux de fantômes apprivoisés. La fileuse a cousu leur tunique nocturne dans une toile arachnéenne. Ils sont là, ces fantômes courtois mais prêts à bondir.
Elle poursuit sa course dans la zone diaphane d’une fuite carnavalesque. Elle enroule et déroule fait, et défait, noue et dénoue.
Qui oserait suspendre la filature du temps ? Qui oserait rêver d’éternité ?
Voici les gestes d’un corps bien vivant qui s’adresse à tous les corps qui respirent et vont mourir à tous les corps qui marchent dansent défilent et se défilent pour échapper au filet à tous les filets pour rompre la sale magie de tous les barbelés du monde dressés par les assassins.
Écartant les mailles, déchirant les nasses, cette main sait nouer ensemble la colère et l’amour.
Tendre violence d’une rage domptée elle métamorphose les cordes qui entravent et vont étrangler.
Guerre que la transparence livre à l’opacité, triomphe de la légèreté au cœur du fer et de la roche.
Une souplesse jubilatoire, juvénile se joue ici de toute usure, jouit de ses trouvailles, renoue avec la mémoire des débris et des reliques.
Quand tout va disparaître, reste le fil de l’écriture loin des tristes ficelles de nos geôliers; reste surtout, irréductible, un filet de voix un murmure tenace qui chante la promesse des liens au milieu des ruines qui dit la solidité des coutures qui composent le corps des plus belles chimères.
Aventure de corps lointains, de voix séparées qui appellent qui s’appellent.
N’entendons-nous pas notre nom pour la première fois chaque fois qu’un geste d’art nous offre de naître ?
La funambule en arme ne craint pas le fil de l’épée sur la tunique sans couture de sa chair.
Brodeuse et dentellière, elle a aussi son tambour.
Résille et réseau ne veulent rien retenir, mais tressent les fils, croisent les écheveaux jusqu’au moment où l’on perd le fil. Vient alors l’errance vagabonde où tout peut arriver. Que peut un corps ? Tout, même délicieusement disparaître. Effroi de devenir invisible noué à la joie d'échapper au prédateur.
La main filante passe repasse croise les fils jusqu’au terrible dénouement
le grand dénouement redouté ? désiré ? Qui ne voudrait savoir ce qu’est la lumière du jour une fois sorti du labyrinthe ?
Ariane est un furet elle passe et repasse entre les mailles frôle les pieds des amoureux qui dansent à côté d’elle elle qui se souvient écoute le bruit des talons qui rythment des pas inconnus mêlés à des pas familiers.
Sans peur elle avance sur le fil au bord du monde sur le fil de la lame entre chute et vertige.
Elle écoute les enfants qui inventent l’éternité d’un équilibre. Elle se tait.
Sa main trace dans le ciel un chemin d’étoiles filantes.
Sur la membrane si forte et si fragile de ce lieu sont venus se poser un à un les signes de l’attente et ceux de l’absence les traces d’une histoire et celles de l’Histoire. Au fil des rencontres la plus banale est toujours la plus surprenante.
De fil en aiguille laissons nous conduire et nous perdre de point en point de nœud en nœud par cette main fileuse qui veut conjurer d’un trait tout effroi devant le pire et produire l’énigme miraculeuse du partage.
Marie-José MONDZAIN
2024/ 14 - 15 septembre: "TISSER DES LIENS" Installation Geneviève Gleize & Christine Ferrer "ETRE ICI", Tanger
2023/ 3 juin - 16 août: Exposition RACINES, Ménerbes 84560
2023/ 8 avril - 8 octobre: Exposition collective "Gravité 0" Campredon art& visuel, L’Isle sur la Sorgue 84800
2023/ 1 mai - 31 mai: Installation "RESISTER" Galerie Un Lieu Une Œuvre, Ménerbes 84560
2022/2023 19 janvier - 29 avril: Exposition collective NGAPAROU 3, Fondation Blachère, Apt 84400
2022/ 18 septembre: FAIRE/DEFAIRE, installation Geneviève Gleize & Christine Ferrer, "ETRE ICI", TANGER
2022/ 1er Avril - 31 mai: Exposition collective “UN BAISER”, Galerie Retour de Voyage, L’Isle sur la Sorgue 84800
2021/ 9 - 20 décembre: Exposition collective “LUMIÈRES”, PNCA, Islamabad - Pakistan
2021/ 11 juillet - 14 août: Exposition “DÉSIRER”, Galerie Un Lieu Une Œuvre, Ménerbes 84560
2021/ 14 juin - 10 juillet: Exposition “CONSOLATION”, Chapelle St Charles, Avignon 84000
2021/ 19 mai - 30 septembre: Exposition “VALLÉE CLOSE”, Musée Pétrarque, Fontaine de Vaucluse 84800
2019/ 1 novembre - 21 décembre: “L'ARBRE DE LARMES”, Résidence d'artiste, Lustrerie Mathieu , Gargas 84400
2018/2019 11 novembre - 2 février: Exposition "CHEVEUX CHÉRIS ET ADORÉS",
Hôtel d'Agar, Cavaillon 840002018/2019 7 novembre - 6 janvier: Vitrines boutique Shang Xia / Hermès, Paris 75006
2018/2019 24 novembre - 13 janvier: Exposition "PARTIR / REVENIR", avec Safaa
Erruas et Katarina Eismann, Galerie Flach & So Arty, Académie des Beaux Arts, Stockholm2018/ 29 juin - 29 septembre: Exposition "VOUS ÊTES ICI", Château de la Tour d'Aigues 84240
2018/ 8 juin - 15 octobre: Installation "ACCUEILLIR", Fondation Salinger, Le Thor 84250
2017/ 6 - 26 juillet: Exposition «CORPS TRAVERSÉS», Chapelle St Louis, Rue du Portail Boquier, Avignon 84000
2017/ 6 - 26 juillet: Exposition «LA CROIX DE LARMES », Parvis d'Avignon, 35 rue Paul Saïn, Avignon 84000
2017/ 11 juin - 15 octobre: Installation« A CORS PERDUS », Fondation Salinger, Le Thor 84250
2016/2017 novembre - janvier: Exposition la Mirande, Avignon 84000
2015/2016 novembre - janvier: Exposition «TRAVERSER», Galerie Retour de Voyage,
L'Isle sur la Sorgue 84800, www.retourdevoyage.com2015 / septembre: Résidence d'artiste à la Lustrerie Mathieu , Gargas 84400
2015 / février - mai: Exposition monographique " SUR LE FIL", Centre d'art Campredon, L'Isle sur la Sorgue 84800
2013 / octobre: Exposition au Musée Mathieu, Hameau des Sauvans, Gargas 84400
2013 / avril - mai: Résidence d'artiste à la Lustrerie Mathieu
2012 / juin: Exposition collective «+ D'ESPACE 1» avec Kiko Lopez et Manuel Serrano, Goult 84220
2012 / mai: Exposition «COMME UNE PRESENCE» avec Kiko Lopez, Ménerbes 84560
www.vin-truffe-luberon.com2012 / janvier: Exposition collective «PINTAR EL MAR» à la Pedrera, Uruguay
2011 / juillet: Exposition collective, Villeneuve d'Avignon ABBYAC 2011
www.publiexpoart.com2010 / décembre: Exposition «+ DE LUMIERE», dans son atelier à Goult 84220
2009 / juillet - août: Exposition «QUE PEUT LE CORPS ? », Atelier du Lavoir à Goult 84220
2004 / juillet - août: Exposition« MAIL ART », Chambre de séjour avec vue à Saignon 84400
www.chambreavecvue.com1998 / juillet: Exposition« MAIL ART », Poste de Gordes 84220
1997 / juillet: Exposition «MAIL ART», Woolloomooloo, Avignon 84000
Images - Fabienne Brechard - Angela Massoni - Bruno Suet - Geneviève Gleize
Conception graphique - Krystyna Poltowicz - Estelle Oudoux
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